Didier Ben Loulou

Israel 80's

Éditions de la Table Ronde, 2016

(...) Parfois on fait des choses sans comprendre ce qui nous pousse à les faire. Enfance de l’art... On avance, on cherche, on se perd. Je ne connaissais rien à rien, ni l’hébreu ni ce pays. J’avais laissé derrière moi Paris, mon enfance tranquille, mes études. Je n’étais qu’un petit jeune, un citadin, qui aimait les livres, l’art et qui s’est retrouvé à cueillir des oranges et à bosser dans des hôtels pour survivre. J’avais 20 ans. Il y eut des rencontres, la lumière. À l’époque, je vécus au kibboutz puis à Tel-Aviv, et chaque fois que je le pouvais je faisais des images. Partout où je traînais je photographiais, dans les bus, les gares routières, les villes, sur les routes : des visages, la campagne, les plages, des filles. Je marchais dans la poussière de l’été, j’apprenais que la terre pouvait tourner autrement. Je me souviens de la rue Ruppin à Tel-Aviv, je m'en souviens grâce aux images. Elles ont dormi durant trente ans dans l’appartement parisien de mes parents. Elles attendaient que je les retrouve. Les planches contacts sont comme les petites fleurs dans la tasse de thé de Proust. Elles ne demandent qu’à éclore. Réminiscences, souvenirs d'évidences mais avant tout des documents. Nous sommes entre 1981 et 1985, après il n’y aura plus que la couleur pour moi. De Jaffa à Jérusalem, d’Athènes à Marseille, de Palerme à Salonique, autre longue errance... Le noir et blanc d'alors ressemblait trop selon moi à ce qu’il fallait oublier, cette nostalgie pseudo-humaniste des années 1950, 1960, cette suprématie d’une certaine vision photographique. Ces images réalisées bras tendu, à peine si je regardais toujours dans le viseur, constituent une conquête personnelle sur une géographie, celle d’un peuple composite, sur tout ce qu’il me fallait découvrir au quotidien. Photographier pour croire dans le concret, le simple réel, l’ici et le maintenant. Ces images racontent un moment de ma vie, rien d’autre.(...)

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